Questions/Réponses

Appartient au dossier : Quoi de neuf sur la préhistoire ?

Qu’en est-il de la grossesse et des menstruations à la préhistoire ?

Un utilisateur d’Eurêkoi, service de réponses et recommandations à distance assuré par des bibliothécaires, s’intéresse à la reproduction humaine pendant la préhistoire. Le temps de gestation était-il le même ? Les femmes avaient-elles leurs règles ? Utilisaient-elles des protections ? Les bibliothécaires de la Bpi, bibliothèque publique d’information à Paris, lui répondent.

Statuette représentant un fœtus, via Pxhere. Domaine public.

La préhistoire couvre une période qui va de l’apparition de l’homme, que l’on place généralement entre -7 millions d’année si l’on considère les premiers hominidés ou -2,8 millions d’années (premiers Homo habilis, donc premiers outils), jusqu’à environ 3000 avant notre ère (premières apparitions de l’écriture, début de l’Antiquité).

Durant la préhistoire, plusieurs espèces d’hominidés se sont développées. Le site hominides.com, dédié à l’évolution de l’homme et à sa place dans la nature, présente l’arbre généalogique des hominidés

Le temps de gestation à la préhistoire

Si le temps de gestation des premiers hominidés a pu varier, il se situe néanmoins entre sept et neuf mois d’après les différentes ressources documentaires que nous avons consultées.

Dans la fiche Wikipédia sur l’histoire évolutive de la lignée humaine, la question de la bipédie (le fait de marcher sur deux jambes) est avancée comme contrainte évolutive du temps de gestation. 

Le petit bassin devient soumis à des exigences contradictoires. Pour faciliter la marche, il doit être le plus étroit possible, afin de mettre l’articulation des fémurs à l’aplomb du centre de gravité du corps ; mais il doit en même temps rester suffisamment large pour permettre le passage du fœtus pendant l’accouchement.
Ces contraintes ont eu des effets significatifs sur le processus de mise au monde, qui est beaucoup plus difficile chez Homo sapiens que chez les autres primates. Le petit diamètre du canal de naissance devient un obstacle à l’augmentation régulière de la taille du cerveau chez les premiers humains, provoquant un raccourcissement de la période de gestation, et un accouchement précoce donnant naissance à des enfants immatures.

« La saga des origines » de Jean-François Dortier, dans L’Homme cet étrange animal. Aux origines du langage, de la culture et de la pensée, sous la direction de Jean-François Dortier, Éditions Sciences Humaines, 2012.
Consultable gratuitement en ligne à la Bpi, via la base Cairn.info.
L’article situe la puberté entre dix et douze ans chez les australopithèques, le premier accouchement à partir de treize ans et la durée de gestation à huit mois. 

Les petits restent au contact de leur mère pendant plusieurs années. On estime, par comparaison avec les chimpanzés, que les australopithèques pouvaient vivre une trentaine d’années. Un tiers de leur vie était consacré à la croissance : après la gestation de huit mois, la maman australopithèque allaitait son petit jusqu’à l’âge de 4 ans ; puis, leur enfance durait une dizaine d’années, où ils apprenaient en jouant, en observant, en imitant, à devenir de bons australopithèques.
Il fallait apprendre à se nourrir, à se défendre, à se faire respecter, à observer, à communiquer. La puberté survenait vers l’âge de 10-11 ans, et les femelles pouvaient accoucher vers 13 ans.

« Les Hommes de Florès étaient bien des nains, selon des ouistitis » de Quentin Mauguit, Futura planète, publié le 12/03/2013.
Cet article présente des données intéressantes concernant l’évolution de la durée de gestation et son influence sur la taille.

Les espèces devenues naines au cours de l’évolution ont bien souvent suivi deux voies différentes. Leur temps de gestation et donc de développement du fœtus peut s’être raccourci progressivement, ou ce sont les premiers stades de vie postnatals qui ont perdu en longueur.
L’animal devient alors adulte tout en ayant toujours sa taille d’enfant. Une troisième piste a cependant été découverte dernièrement : les temps de gestation et la durée des premiers stades de vie peuvent rester inchangés et c’est alors la vitesse de croissance qui diminue.

« Chapitre 4. Sur les traces de la longue vie » de Richard Lefrançois, dans : Les Nouvelles frontières de l’âge,
Presses de l’Université de Montréal, 2004.

Le Comparatisme devant le miroir, de Guy Jucquois et Pierre Swiggers, Peeters, 1991.
La page 114 de cet ouvrage, consultable via Google Books, propose plusieurs références bibliographiques sur le temps de gestation à la préhistoire.

Premiers hommes. Notre espèce aime raconter des histoires et, plus que tout, celles de ses origines…, de Pascal Picq, Flammarion, 2018.
La question de la gestation est abordée par Pascal Picq, paléoanthropologue français et maître de conférences au Collège de France, notamment dans cet extrait via Google Books.
À la Bpi, niveau 2, 569 PIC

Histoire de naître: de l’enfantement primitif à l’accouchement médicalisé, de Fernand Leroy, De Boeck Université, 2001.
De l’enfantement naturel à la préhistoire et chez les peuples anciens à l’accouchement médicalisé moderne assorti de ses développements technologiques, cet ouvrage présente l’évolution historique de la grossesse et de la naissance dans ses contextes culturel, social et technique.

Les menstruations à la préhistoire

Le dictionnaire Larousse propose la définition qui suit des menstruations (ou règles) : 

Phénomène physiologique caractérisé par un écoulement sanguin périodique (règles) dû à l’élimination de la muqueuse utérine, se produisant chez la femme, lorsqu’il n’y a pas eu fécondation, de la puberté à la ménopause.

Cette définition permet de lier directement l’apparition des règles et la capacité à procréer. La femme, tout comme certains mammifères, présente cette caractéristique physiologique. Les femmes, à la préhistoire, avaient leurs règles et leur bassin permettait l’accouchement, même si la forme du bassin féminin a évolué au fil du temps. Vous trouverez plus de détails dans cet article de Claudine Cohen, « La femme dans la préhistoire », sur le site hominides.com.

Nous n’avons trouvé aucune documentation précise concernant le type de protection utilisées par les femmes durant la préhistoire. Il ne semble pas qu’elles en utilisaient. Voici une sélection de documents qui abordent le sujet des règles et des protections à la préhistoire.

Ceci est mon sang. Petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font, d’Élise Thiébaut, La Découverte, 2017.
De manière documentée, pédagogique et sur un ton drôle, l’autrice fait découvrir, expérience personnelle à l’appui, les secrets des règles des femmes, ce signe de la vie fertile qui reste encore un tabou.
Elle précise que « les rites de réclusion menstruelle remontent à la préhistoire : les femmes s’isolaient durant les menstruations. Le rite de réclusion permettait de recueillir le flux menstruel à l’abri des regards, peut-être dans des bols prévus à cet effet. Il semble aussi que, durant des siècles, des millions de femmes ont eu leurs règles sans chercher à les éponger. » 
À la Bpi, niveau 2,  300.1 THI

« Des bâtonnets de lin à la « cup », brève histoire des protections hygiéniques », d’Hélène Combis, Matières à penser, France Culture, 07/02/2019. 
Entretien avec Élise Thiebaut, autrice de Ceci est mon sang. L’émission radio traite des menstruations et revient sur les types de protection dans l’histoire.

« Petite histoire des règles et des protections périodiques », sur le site Le Journal des femmes. Cette chronologie rappelle notamment que la première mention de protections périodiques date de 1550 avant notre ère, avec l’utilisation par les femmes égyptiennes de bandes ouatées. 

Enfin, nous avons soumis votre question au Musée de l’Homme qui nous a répondu :

Les ouvrages de Claudine Cohen, Alain Testart ou d’auteurs étrangers ne me semblent pas évoquer le sujet. « Le problème est le manque de données sur cette question. Tout ne serait donc qu’hypothèses tirées sans doute de l’étude des pratiques des femmes de chasseurs-cueilleurs actuels appliquée à la préhistoire. Rien que du spéculatif », d’après une chercheuse interrogée.

Les ressources du Musée de l’Homme sur la préhistoire

Une belle histoire de l’homme, d’Yves Coppens, Flammarion, 2015.
Cet ouvrage retrace l’histoire de l’humanité par le biais d’une cinquantaine de questions clés.
À la Bpi, niveau 2, 55 MUS

Nous vous invitons à explorer la chaîne YouTube du Musée de l’Homme, ainsi que les ressources en ligne du Muséum d’Histoire naturelle :

Eurêkoi – Bibliothèque publique d’information

Publié le 19/04/2021 - CC BY-SA 4.0

Vos réactions
  • Claudine Cohen : 25/04/2021 01:27

    Le livre de Chris Knight (Blood Relations, Menstruations and the origin of Culture) Yale University Press, 1995, non traduit en français), est entièrement consacré à la question des menstruations pendant la préhistoire. Il propose un scénario de l’origine des civilisations humaines (chez les sapiens du Paléolithique supérieur) fondé sur l’idée qu’à un certain moment, les femmes ont su synchroniser leurs règles, et ainsi faire une sorte de « grève du sexe » obligeant les hommes à prendre en charge les activités pourvoyeuses de nourriture. C’est évidemment un scénario entièrement spéculatif, qui se prétend fondé cependant sur des comportements similaires observés par des ethnologues dans des sociétés contemporaines.
    Alain Testart a beaucoup insisté sur la symbolique du sang (et notamment du sang menstruel) et son rôle dans le partage sexué des tâches, depuis la préhistoire (interdit pour les femmes de faire couler le sang, par ex. dans la chasse). Conclusion également spéculative, qui se réclame aussi d’exemple ethnographiques (voir notamment l’Amazone et la cuisinière, Gallimard, 2014)

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