Sélection

Six artistes de la Nouvelle Objectivité

Mouvement artistique allemand explorant les représentations du réel et du quotidien, la Nouvelle Objectivité connaît son apogée dans les années vingt et trente. À l’occasion de l’exposition « / Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander / » au Centre Pompidou, Balises vous en présente quelques artistes emblématiques.

À la fin de la Première Guerre mondiale, en Allemagne, un groupe d’artistes créé un mouvement artistique, dans le sillage de l’expressionisme et du dadaïsme. Originaires des grandes villes et surtout de Berlin, ils veulent avant tout montrer la réalité telle qu’elle est et dépeindre la société sans fard. Après la guerre, l’Europe est fragile, en crise, et les artistes veulent dénoncer une société rongée par la pauvreté, l’industrialisation, la corruption, l’individualisme … Le mouvement est nommé « Nouvelle Objectivité » lors d’une exposition très médiatisée en 1925 à la Kunsthalle de Mannheim, qui voyage ensuite dans six villes allemandes.  Ses principaux représentants en peinture sont Otto Dix, George Grosz et Max Beckmann, entourés entre autres de Christian Schad ou Karl Hubbuch.

Leurs œuvres sont crues et colorées, dégageant cynisme et cruauté. Ils affectionnent les portraits ou les autoportraits et leurs sujets sont souvent à la limite de la caricature. Les scènes de rue montrent une ville grise et industrielle, les scènes d’intérieur dépeignent la débauche des beaux quartiers ou les bas-fonds habités par une population mutilée et oubliée. Avec la montée des nationalismes et l’arrivée au pouvoir d’Hitler, ces artistes sont pointés du doigt et qualifiés de « dégénérés ». En 1935, la plupart des représentants de la Nouvelle Objectivité s’exilent et le courant artistique s’éteint.

Publié le 30/05/2022 - CC BY-SA 4.0

Notre sélection

Écrits

Max Beckmann
École nationale supérieure des beaux-arts, 2002

Peintre et dessinateur allemand né en 1884, Max Beckmann est l’auteur d’une œuvre profondément marquée par les tragédies du 20ᵉ siècle. Après avoir participé à la Première Guerre mondiale, il assiste, consterné, à la montée du nazisme, puis, considéré comme « peintre dégénéré », il subit l’exil. Défenseur de la liberté de l’artiste, il s’est toujours tenu à l’écart des collectifs et des mouvements. Néanmoins, il participe à l’émergence de la Nouvelle Objectivité, et s’attache, comme les autres peintres de cette époque, à la description morale et politique du monde et de la société. 

Cet ouvrage réunit les journaux, correspondances, et conférences de l’artiste de 1903 à 1950. Ces textes témoignent de la vie d’un peintre pendant et entre les deux guerres mondiales mais permettent aussi de pénétrer dans ses processus de création. 

À la Bpi, niveau 3, 70″19″ BECK 1

Otto Dix : dessins d'une guerre à l'autre : exposition, Centre Pompidou

Collectif
Centre Pompidou / Gallimard, 2003

Otto Dix (1891-1969) commence sa carrière de peintre par des représentations proches de l’expressionnisme. L’expérience traumatisante de la guerre le conduit vers un art plus violent, véritable réquisitoire contre la société. Proche de John Heartfield et George Grosz, il partage avec le mouvement dada le refus de l’art officiel et le goût pour la dérision. Pratiquant la satire, il utilise le collage pour faire voler en éclats les représentations traditionnelles. 

À partir des années vingt, il renonce en partie à la provocation pour un art plus réaliste et ordonné proche de la Nouvelle Objectivité et incarnant, en particulier, sa dimension la plus vériste, c’est-à-dire dépeignant le réel de la manière la plus sombre. Portraitiste fidèle, il garde le goût de l’observation du réel en abordant des sujets dérangeants : prostituées, mutilés et mendiants sous la République de Weimar.

Cet ouvrage est le catalogue d’une exposition que le Centre Pompidou a consacré à Otto Dix en 2003. Son œuvre graphique y est présentée, révélant les inspirations d’un peintre marqué par la guerre, qui refuse toute idéalisation du réel.

À la Bpi, niveau 3, 70″19″ DIX. 2

George Grosz, 1893-1959

Ivo Kranzfelder
Taschen, 2001

Après des études d’art, George Grosz (1893-1959) débute avec des dessins pour la presse : scènes de rue et caricatures, où se remarque déjà son sens aigu de la satire sociale. Mobilisé pendant la guerre, il en sort conforté dans son dégoût pour l’autorité et passionné par les idées révolutionnaires. 

Après la guerre, il se rapproche du mouvement dada, et trouve son expression personnelle dans le refus de l’académisme et la remise en cause de la culture bourgeoise. Ses toiles, dans lesquelles il recourt à la caricature ou au collage, représentent des scènes dont les personnages déformés semblent livrés au chaos. Il livre aussi de nombreux dessins à des journaux communistes, ce qui lui vaut une importante notoriété. Se réclamant du vérisme , il souhaite tendre à ses contemporains une représentation authentique de la vie sous la République de Weimar. 

Ivo Kranzfelder retrace dans cet ouvrage le parcours de George Grosz, entre Berlin, Paris et New York. Il présente la manière dont Grosz a su utiliser la peinture comme instrument politique, contre l’ordre établi.

À la Bpi, niveau 3, 70″19″ GROS 2

Christian Schad : peinture, dessins, schadographies

Fondation Dina Vierny-Musée Maillol
Schirmer-Mosel, 2002

Christian Schad se passionne très jeune pour la peinture et entame des études d’art. Échappant à la conscription en 1914, il se réfugie à Zurich où il rencontre les dadaïstes du Cabaret Voltaire. Il s’initie avec eux à la photographie sans appareil, consistant à superposer des objets sur du papier photosensible : les schadographies ou photogrammes. Après la Première Guerre mondiale, il passe plusieurs années en Italie où la peinture de la Renaissance le fascine. Son style se révèle alors sous la forme d’un retour au classicisme, d’un respect du réel et d’un goût pour le portrait. S’il récuse toute appartenance au courant de la Nouvelle Objectivité, il s’en rapproche pourtant par le réalisme critique de ses tableaux. 

Ce catalogue de l’exposition qui lui a été consacré en 2002-2003 au musée Maillol présente une trentaine de tableaux et une quarantaine de dessins réalisés pendant les années vingt et trente.

À la Bpi, niveau 3, 70″19″ SCHA.D 2

 

Karl Hubbuch und das Neue Sehen : Fotografien, Gemälde, Zeichnungen 1925 - 1935

Karin Koschkar, Ulrich Pollmann
Schirmer Mosel, 2011

Né en 1891, Karl Hubbuch sert dans l’armée pendant toute la première guerre mondiale. Il reprend ensuite ses études de dessin et occupe plusieurs postes au sein de  l’Académie de Karlsruhe. Ses dessins et ses estampes, très réalistes, expriment une sévère critique de l’ordre social et politique. Il rencontre en 1922 George Grosz et participe en 1925 à l’exposition  « Neue Sachlichkeit » (« Nouvelle Objectivité ») à la Kunsthalle de Mannheim. Antifasciste, il est chassé de son poste d’enseignant après l’arrivée au pouvoir d’Hitler et subvient à ses besoins en occupant des emplois dans le commerce ou la décoration. 

Cet ouvrage en allemand est le catalogue d’une exposition consacrée à l’artiste à Münich en 2011 puis à Karlsruhe en 2012. Il réunit les dessins de Karl Hubbuch, allégories sociales et études de personnages, ainsi que quelques-unes de ses photographies.

À la Bpi, niveau 3, 70″19″ HUBB

Hommes du XXᵉ siècle

August Sander
La Martinière, 2002

August Sander (1876-1964) suit des études de peinture avant de s’intéresser à la photographie. Il ouvre en 1904 son studio qui propose des portraits avec lesquels il acquiert rapidement une relative notoriété. Après la guerre, pendant laquelle il a été affecté aux services photographiques, il devient photographe itinérant. Il essaie alors, dans un style nouveau, de saisir la diversité de la société allemande. Cela le conduit à produire une œuvre singulière, intitulée Hommes du XXᵉ siècle, qui tend à faire un inventaire du peuple allemand, classé en fonction de sa catégorie socioprofessionnelle. Ce panorama de la société allemande pendant toute la période de la République de Weimar acquiert par son réalisme une dimension critique qui déplait aux nazis. Les tirages de son premier recueil (Visages de ce temps) ainsi qu’une partie de ses négatifs sont détruits. August Sander n’a pas publié Hommes du XXᵉ siècle de son vivant, mais acquiert à partir des années soixante-dix une grande célébrité posthume. 

Cette édition de 2002 en sept volumes réunit réunit environ six cents photos.

À la Bpi, niveau 3, 770 SAND

Pour aller plus loin

« Focus sur... "Portrait de la journaliste Sylvia von Harden" d'Otto Dix », par Vincent Brocvielle | Le Magazine du Centre Pompidou, 2022

Dans le Berlin des années vingt apparaît un nouveau modèle de femme, plus émancipée. Journaliste et poétesse, Sylvia von Harden incarne parfaitement cette « Neue Frau » aux cheveux courts. En 1926, Otto Dix lui tire le portrait. Retour sur cette toile caractéristique du mouvement de la Nouvelle Objectivité, visible au sein de l’exposition événement « Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander ».

« Chez August Sander, une vision ambiguë de la Femme nouvelle », par Katharina Sykora | Le Magazine du Centre Pompidou, 2022

Coiffure à la garçonne, cigarette et même parfois pantalon : la Neue Frau est un nouvel archétype qui commence à émerger dans l’Allemagne des années vingt. Dans Hommes du XXe siècle, son étude photographique sociologique fondatrice, August Sander témoigne de l’avènement de cette femme émancipée — sans toutefois se départir d’une certaine vision traditionnelle des genres.

« Allemagne années 1920, aux sources de la modernité », par Angela Lampe et Florian Ebner | Le Magazine du Centre Pompidou, 2022

Pour la première fois en France, une exposition donne à voir le foisonnement artistique de l’époque de la République de Weimar. Peinture, graphisme, architecture et aussi cinéma, théâtre, littérature, musique… Riche de presque neuf cent œuvres, « Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander » est une plongée dans la Nouvelle Objectivité, mouvement majeur du vingtième siècle. Avec, comme fil rouge, l’œuvre d’August Sander, somme photographique sur la société allemande. Présentation, par Angela Lampe et Florian Ebner, commissaires de l’exposition.

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