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Appartient au dossier : Voir Vénus : du point lumineux au sol de la planète

Voir Vénus #5 : les sondes soviétiques Venera

Les sondes du programme soviétique Venera (Vénus en russe) ont réalisé de nombreux exploits, dont celui de photographier la surface de Vénus, cachée derrière une épaisse couche de nuages. Les images de Venera 13 sont les premières photographies in situ et en couleur de la surface de Vénus. Balises vous propose d’observer l’évolution des connaissances astronomiques au travers de représentations de la planète Vénus, pour accompagner le cycle de conférences « Espace, frontière de l’infini » qui se déroule à la Bpi à l’automne 2022.

Photographie du Sol de Vénus
Le sol de Vénus, photographié par la sonde russe Venera 13. Au premier plan, une partie des éléments de la sonde. Domaine public, NASA

Être les premiers à explorer Vénus est l’un des défis que se lancent Américains et Soviétiques au début de l’exploration spatiale, dans les années cinquante. L’observation de Vénus depuis les télescopes terrestres ayant atteint ses limites, approcher la planète est la seule solution pour apercevoir sa surface.

Le programme soviétique Venera

Le programme soviétique Venera compte une trentaine de tentatives entre 1961 et 1985 : un bon nombre d’échecs mais aussi des réussites, qui redonnent du crédit au secteur spatial soviétique après les déconvenues des missions Mars. Les missions réussies, au moins partiellement, sont numérotées. Seize missions Venera sont recensées sur la période de 1961 à 1983, suivies de deux missions nommées Vega en 1985. Elles permettent notamment d’analyser l’atmosphère de Vénus et d’envoyer, depuis sa surface, de premières données sur cette planète.

En 2004, les Russes envisagent un retour sur Vénus pour 2013. Nommée Venera-D, cette mission réitérait l’exploit de rester sur le sol vénusien, mais sur une durée plus longue : 30 jours. Reporté plusieurs fois, le projet redevient d’actualité en 2021 : des lancements sont envisagés pour 2029, 2031 et 2034, avec un atterrisseur conçu pour résister 90 jours grâce à une potentielle collaboration avec la NASA. L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 met fin à la coopération entre les agences spatiales russe et états-unienne et compromet les missions Venera à venir.

Des données pour imaginer Vénus

Le 12 février 1961, la sonde soviétique Venera 1est lancée, mais les communications avec la Terre sont interrompues suite à une défaillance. Venera 1 survole Vénus à environ 100 000 kilomètres de la planète sans pouvoir transmettre la moindre information.

La sonde Venera 4
Maquette (1:3) de la sonde Venera 4 au Memorial Museum of Astronautics (Moscou). Rave, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Les Américains sont les premiers à réussir le survol de Vénus en gardant contact avec la Terre, dans le cadre du programme d’exploration de Mars et Vénus intitulé Mariner et lancé en 1961. Mariner 2, qui décolle le 27 août 1962, passe à près de 35 000 kilomètres de la surface en décembre de la même année. Le vaisseau a pour mission de mesurer la température de Vénus et de recueillir des données sur son atmosphère, sa masse, les poussières et le champ magnétique de la planète. Même sans caméra embarquée, l’image de Vénus se précise. Les radiomètres infrarouges et micro-ondes relèvent des températures proches des 400 °C et montrent que la planète est recouverte d’une épaisse couche de nuages à environ 60 kilomètres au-dessus de la surface. C’est la fin du mythe de la planète jumelle de la Terre.

À partir de 1965, les missions Venera visent la surface de la planète. L’incertitude sur la nature du sol est telle que les sondes sont équipées de bouées dans le cas où la surface serait liquide. Venera 4 est la première à entrer dans l’atmosphère vénusienne et à renvoyer de précieuses données in situ. Elle est détruite par la pression atmosphérique qui a été sous-estimée. En 1970, Venera 7 est la première sonde à survivre à un atterrissage sur une planète, mais elle cesse d’émettre une fois au sol. Elle a néanmoins le temps de transmettre des informations qui vont permettre d’établir la nature du sol (solide, entre la lave et l’argile humide), la pression (estimée à 90 bars) et la température à la surface (474 °C).

Voir Vénus en photographies

En 1973, la NASA lance Mariner 10. C’est une première : le vaisseau photographie l’atmosphère de Vénus et livre 4 000 clichés haute résolution (en rayonnement UV).

Venera 9 et 10, lancées en 1975 à trois jours d’intervalles, vont plus loin. Ces sondes d’un nouveau modèle sont équipées d’instruments de mesure et de caméras panoramiques noir et blanc. Venera 9 est la première sonde à se placer en orbite de Vénus. Elle réalise des images, avec filtres, pour rendre compte de l’apparence de Vénus, puis se pose au sol et envoie la toute première image photographique de la surface de Vénus. Conçues pour résister à la pression atmosphérique, les caméras balayent une vue de 180° x 40° pour réaliser un panorama de 115 × 512 pixels, une faible résolution choisie en raison de la courte durée de vie estimée de Venera 9. L’éclairage d’appoint prévu ne s’avère pas nécessaire. Sur les clichés, une partie de l’atterrisseur apparaît ainsi que le sol jonché de blocs épars, reposant sur une surface continue, dans une lumière similaire à celle d’une journée d’été nuageuse sur Terre. Venera 10 documente un autre lieu, situé à 2 200 kilomètres de Venera 9.

Venera 13 et 14 se posent sur Vénus en mars 1982. Ils sont équipés de cameras plus sophistiquées et plus résistantes à la chaleur. Venera 13 livre les premières photographies en couleur de la surface de Vénus (voir le panorama couleur ci-dessus), obtenues à l’aide de filtres.

Les missions soviétiques Venera 15 et 16 (1985) utiliseront ensuite le radar pour cartographier la planète. Leurs données seront complétées par celles de la mission américaine Magellan en1989. Pour les scientifiques, Vénus est loin d’avoir livré tous ses secrets : comme l’affirme Emmanuel Marcq, spécialiste de Vénus, « Aujourd’hui, notre connaissance de la surface de Vénus est au même stade que celle que nous avions de Mars dans les années 1970 ».

Publié le 31/10/2022 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Venus, Soviet Space History, Computer Graphics, Science, Etc. | Don P. Mitchell Homepage (en anglais)

Ce site de Don P. Mitchell, ancien chercheur à l’université de Princeton, comporte de nombreuses informations et des images commentées sur l’exploration soviétique de Vénus.

« On lève le voile sur Vénus », par Florence Porcel, Spatialiste | String Theory, sur YouTube

Florence Porcel, journaliste et vulgarisatrice scientifique, anime la chaîne YouTube Spatialiste en partenariat avec le Centre national d’études spatiales (CNES). Elle reçoit Emmanuel Marcq, enseignant-chercheur à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Ils font le point sur les connaissances et les hypothèses sur Vénus. L’émission revient sur l’exploration de la planète et présente de nombreuses représentations de Vénus : les photographies des sondes Venera et des images nées de l’interprétation des données scientifiques obtenus par radar, infrarouges…

« Venera - L'incroyable exploration de Vénus par l'URSS », Les dossiers de l'espace | Hugo Lisoir, sur YouTube

Hugo Lisoir est coauteur (avec son frère) d’une chaîne de vulgarisation scientifique qui décrypte toutes les semaines l’actualité spatiale et propose des dossiers. Dans cet épisode, il retrace l’histoire du programme soviétique Venera.

« Comprendre pourquoi on étudie Vénus », avec Emmanuel Marcq | Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), sur YouTube

Emmanuel Marcq explique pourquoi on étudie Vénus et notamment ce qui permet d’affirmer aujourd’hui qu’elle n’a probablement jamais abrité d’océans à sa surface.

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