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Appartient au dossier : Voir Vénus : du point lumineux au sol de la planète

Voir Vénus #4 : le revolver photographique de Janssen

En 1874, l’astronome français Jules Janssen photographie le passage de Vénus devant le Soleil avec son revolver photographique. Il souhaite ainsi calculer la distance entre la Terre et le Soleil, afin d’en déduire la taille du Système solaire. Balises vous propose d’observer l’évolution des connaissances astronomiques au travers de représentations de la planète Vénus, pour accompagner le cycle de conférences « Espace, frontière de l’infini » qui se déroule à la Bpi à l’automne 2022.

Passage de Vénus devant le Soleil par le revolver photographique de Jules Janssen (1874). Domaine public.

Le 9 décembre 1874, Jules Janssen (1824-1907) installe son revolver photographique à Nagasaki au Japon, afin de capter le passage de Vénus devant le Soleil. Janssen n’est pas un astronome débutant : docteur en sciences physiques depuis 1860, il a déjà découvert par le passé que la Lune n’avait pas d’atmosphère, ou encore que celle de Mars contenait de la vapeur d’eau. Le revolver photographique (ou astronomique) qu’il met au point en 1874 est le premier appareil à utiliser la photographie pour l’observation scientifique.

Les conditions d’observation

Dans la deuxième moitié du 17e siècle, James Gregory puis Edmond Halley démontrent qu’il est possible de mesurer la distance entre la Terre et le Soleil en observant le passage de Vénus devant ce dernier à partir de plusieurs points d’observation. Un transit de Vénus a lieu environ deux fois par siècle : à partir du transit de 1761, les astronomes observent donc l’événement avec attention, et en déduisent une distance approximative. Cependant, différents phénomènes physiques déforment les contours de Vénus tels qu’observés depuis la Terre, ne permettant pas de mesurer exactement la durée du transit. Il faut donc multiplier les observations pour recouper les mesures, et améliorer les appareils d’observation.

Le transit du 9 décembre 1874 est le premier transit de Vénus au 19e siècle et dure au total 4 h 37. Plus de soixante expéditions sont organisées pour l’observer aux quatre coins du globe. L’expédition de Jules Janssen au Japon, d’où le passage de la planète est particulièrement visible, est l’une des six missions financées par la France.

Photographie du passage artificiel de la planète Vénus sur le Soleil, réalisé en 1874 par l’astronome français Jules Janssen à l’aide du revolver photographique. CC BY-NC-ND. Collection : Bibliothèque de l’Observatoire de Paris, France, Daguerréotype : I.15 1874-1874

Un outil ingénieux

Pour observer le passage de Vénus, Janssen cherche à éliminer à la fois la subjectivité de l’œil humain et les déformations optiques liées aux lentilles des télescopes. Il décide donc d’impressionner directement l’image sur une surface sensible, en s’appuyant sur la technique du daguerréotype, inventé par Louis Daguerre en 1835.

Janssen s’inspire également du barillet du revolver inventé par Samuel Colt dans les années 1830 : un disque muni de douze trous tourne à vitesse constante devant un autre disque, disposant d’une petite ouverture fixe, donnant sur une plaque sensible. La plaque sensible tourne, elle aussi : ainsi, les images impressionnées à intervalles réguliers ne se chevauchent pas, mais se succèdent jusqu’à former un cercle. Le revolver enregistre 48 images en 72 secondes.

Janssen n’est pas le seul à en faire usage lors du transit de 1874 : plusieurs missions britanniques utilisent un appareil presque similaire, appelé le Janssen slide.

Les conclusions de l’expérience

La qualité des images impressionnées grâce au revolver photographique est malheureusement insuffisante pour améliorer le calcul de la distance Terre-Soleil. Les observations restent plus fiables sans l’appareil. Janssen a cependant créé un objet inédit : la première séquence filmée de l’histoire.

Janssen présente son revolver à la société française de photographie en 1875 et à l’Académie des sciences en 1876. Il suggère alors d’utiliser l’appareil pour décomposer les mouvements des animaux. De fait, le médecin Étienne-Jules Marey s’inspire ouvertement de l’invention de Janssen pour créer, en 1882, le fusil photographique qui lui permet d’étudier la locomotion animale.

Quant à la distance de la Terre au Soleil, l’astronome américain Simon Newcomb l’estime en 1890 à 149,9 millions de kilomètres – à plus ou moins 310 000 kilomètres – en recoupant les données des quatre derniers transits de Vénus. Depuis le début du vingtième siècle, la distance moyenne de la Terre au Soleil est nommée « unité astronomique ». En 2012, elle est fixée à 149 597 870 700 kilomètres. Cette unité sert encore aujourd’hui à exprimer les dimensions du Système solaire et de l’Univers.

Publié le 24/10/2022 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Les Passages de Vénus : histoire et observations d'un phénomène astronomique

Christophe Marlot
Vuibert, 2004

L’auteur nous fait ici voyager aux côtés de ceux qui participèrent à ces expéditions lointaines dont l’objectif premier était d’observer scientifiquement un phénomène aussi rare que riche d’enseignements. On a pu aussi mesurer la distance de la Terre au Soleil qui deviendra l’unité astronomique.

Avant de fédérer les astronomes du monde entier, ces grands projets opposèrent notamment la France et l’Angleterre, reflétant alors l’implication des États dans la course internationale à la connaissance scientifique. On verra par exemple comment, via le calcul de position en mer, la maîtrise de l’astronomie fut l’une des clés de la maîtrise des océans, ouvrant la voie à de nouvelles conquêtes économiques et politiques. […]

Illustré de plusieurs centaines de documents, anciens et modernes – portraits et instruments, dessins et gravures, schémas et photos d’astronomie – cet ouvrage d’histoire qui se lit comme un roman contient aussi des informations pratiques pour observer facilement les prochains passages. Il est enrichi de plusieurs annexes conduisant à d’autres ressources documentaires. Enfin, un index des noms propres et un index des noms communs permettent de trouver ou de retrouver toutes les informations voulues.

[Résumé de l’éditeur]

À la Bpi, niveau 2, 523.5 MAR

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