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Appartient au dossier : Press Start 2021 : Les bestiaires du jeu vidéo

25 ans de Tamagotchis

En vingt-cinq ans, le concept de l’animal de compagnie virtuel a évolué depuis le Tamagotchi, premier compagnon virtuel. L’iconique créature en pixel de Bandaï fait l’objet de nombreuses déclinaisons depuis 1996 et s’adapte aux nouvelles technologies. Bandaï recense 82 millions de ces petites bêtes sur Terre. En novembre 2021, le Tamagotchi ressort sous forme d’une montre connectée mais joue toujours sur le lien d’attachement.

deux tamagotchis
Photo : Thomas Saintagne

Un phénomène au Japon

Quand le Tamagotchi sort au Japon en novembre 1996, il devient un phénomène. Le jeu est rapidement en rupture de stock générant une sorte d’« hystérie consumériste » dont la presse se fait l’écho. L’objet, conçu pour les jeunes japonaises, dans la mouvance Kawaii, est rapidement adopté par les enfants et les adultes. Le petit animal est rondelet et mignon. Il est hébergé dans un boîtier coloré en forme d’œuf qui tient dans la main. Contrairement aux jeux vidéo de l’époque, il n’y a ni combat, ni parcours d’obstacles, ni quête. La bestiole ne demande que de l’attention et de l’amour pour grandir. Par contre, il est particulièrement exigeant et meurt s’il est délaissé.

Des polémiques en France

C’est précédé de cette réputation de jouet à succès que l’objet arrive sur le marché français à la mi-mai 1997. Mais le phénomène s’essouffle en trois mois et contrairement au Japon, les adultes ne succombent pas à la mode. S’ils sont nombreux à penser que c’est un excellent moyen d’éduquer l’enfant aux responsabilités induites par la possession d’un animal, ils s’inquiètent du rapport à la mort entretenu par l’enfant lorsque le Tamagotchi décède et du sentiment de culpabilité que les enfants pourraient développer. L’ingérence dans la vie quotidienne et scolaire de ce tyran virtuel, qui réclame une attention constante, dérange également. La presse se délecte des polémiques suscitées par le petit objet. Pour Fanny Carmagnat et Elizabeth Robson, les autrices de l’étude « Qui a peur du Tamagotchi ? » de 1999, il y a eu une dramatisation du phénomène car les adultes n’ont pas la même approche du jeu que les enfants. Les parents de l’époque sont davantage dans la « subordination aux procédures et au devoir » que dans le ludique et sont moins familiers du virtuel. Ils sont donc plus facilement investis dans la relation à l’animal, tandis que l’approche ludique permet à l’enfant de se tenir à distance émotionnellement.

Une créature attachante

Pour Jean-Claude Herdin, l’auteur de Les Créatures artificielles, les Tamagotchis ou les animaux virtuels sur écran de PC entretiennent le lien d’attachement par quelques caractéristiques. En refusant d’obéir, ils font preuve d’autonomie et de liberté, voire de personnalité, mais ils sont dépendants des soins de leur propriétaire. Il faut donc composer pour obtenir un équilibre relationnel. L’aspect de l’animal est volontairement juvénile et artificiel afin de favoriser l’acceptation de l’univers ludique et de provoquer de la tendresse chez l’humain. Ses expressions verbales et non verbales à chaque échange établissent une relation émotionnelle avec le soigneur. La petite taille et la forme du boîtier du Tamagotchi lui donnent corps, ce qui a contribué à son succès par rapport aux compagnons sur écran de console ou de PC. La version montre de 2021 renforcera cet échange physique en se dotant d’un écran tactile pour caresser l’animal.

De plus en plus de compagnons artificiels

Bandaï a lancé plusieurs versions de ses Tamagotchis pour renouer avec le succès des années quatre-vingt-dix en modifiant le déroulement du jeu, en proposant l’interconnexion des Tamagotchis ou l’achat d’accessoires, en agrandissant la famille de personnages. Mais le Tamagotchi n’est plus le seul animal mignon dont il faut s’occuper. Le développement des nouvelles technologies permet la naissance de compagnons interactifs qui passent de l’écran à la chambre avec des créatures comme le Furby (1998) ou Aibo, le chien robot de Sony (1999). En 2005, Nintendogs permet d’élever un chiot sur la console Nintendo DS. Le jeu offre plus de possibilités avec des mini-jeux incorporés et connaît un joli succès. Tous ont en commun une dépendance à l’humain pour grandir ou évoluer et un sacré caractère, réfractaire aux ordres.
Depuis, les jeux d’élevage se sont multipliés sur tous les supports mais surtout sur son téléphone. On peut désormais élever des chats, des moutons, des cochons et même des dragons ou des licornes. Bandaï mise sur la nostalgie des adultes pour se démarquer. L’entreprise sort en 2017 une version très similaire à celle des débuts de la marque, conservant les codes minimalistes qui ont fait son succès. La version de 2021 est plus une déclinaison du support, puisqu’il s’agit d’une montre connectée.

Publié le 20/09/2021 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

« Qui a peur du Tamagotchi ? » │ Réseaux n° 92-93, 1999

Comment un petit objet si inoffensif d’apparence peut-il soulever de si graves interrogations ? Une étude réalisée au CNET pour le projet CréaNet auprès des intéressés eux-mêmes, c’est-à-dire les enfants utilisateurs de Tamagotchis et leurs familles, nous donne des éléments de réponse.

Les Créatures artificielles. Des automates aux mondes virtuels

Jean-Claude Heudin
Odile Jacob, 2008

Les créatures artificielles fascinent Jean-Claude Heudin. Sur plus de deux mille ans, il en révèle toutes les dimensions, artistiques et mythiques, aussi bien que scientifiques et techniques. Un chapitre est consacré aux Tamagotchis et autres animaux virtuels ou robots.

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