Sélection

Appartient au dossier : Animalement vôtre

Documenter le monde animal

Les animaux sont des sujets de films documentaires depuis les prémices du cinéma. Balises vous propose une sélection d’ouvrages et d’articles qui étudient les représentations des animaux dans les œuvres documentaires d’hier et d’aujourd’hui, alors que les animaux sont mis à l’honneur dans plusieurs films du festival Cinéma du réel en 2023.

Publié le 06/03/2023 - CC BY-SA 4.0

Notre sélection

Le Cinéma des animaux

Camille Brunel
UV éditions, 2018

Camille Brunel, écrivain et critique de cinéma spécialisé dans la représentation des animaux, militant pour la cause animale, analyse dans cet ouvrage la manière dont le cinéma se fait l’ambassadeur du regard des humains sur les animaux. Son corpus est vaste : dans un mouvement chronologique, il va des débuts du cinéma à la période contemporaine, entrelaçant fiction et documentaire au sein de sous-parties thématiques. Camille Brunel considère aussi bien les films d’animation que ceux en prises de vues réelles, les films les plus pointus que les blockbusters hollywoodiens.

Ses critiques au style enlevé permettent ainsi de réfléchir à la représentation animale dans de nombreuses œuvres incontournables du cinéma documentaire, aussi diverses que Chang de Merian C. Cooper & Ernest B. Schoedsack (1927), Le Sang des bêtes de Georges Franju (1949), Koko, le gorille qui parle de Barbet Schroeder (1978), Grizzly Man de Werner Herzog (2005) ou Océans de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud (2009). 

Cependant, en analysant chaque œuvre au seul prisme des études animales (ou animal studies) dont il se revendique, l’auteur laisse de côté de nombreuses singularités esthétiques. Ce faisant, il en vient à formuler des propos ponctuellement réducteurs sur les intentions des cinéastes et sur la manière dont certains dispositifs documentaires peuvent être perçus et interprétés par les spectateur·rices.

Camille Brunel propose également, sous la forme condensée d’une chronologie, une « Histoire des animaux non-humains au cinéma » sur Upopi, l’Université populaire des images de Ciclic, l’agence régionale du Centre-Val de Loire pour le livre, l’image et la culture numérique.

À la Bpi, niveau 3, 791.049 BRU

L'Animal sauvage à la télévision : naissance et évolution d'une catégorie

Zelda Crottaz
Institut national de l'audiovisuel, 2012

Dans cet ouvrage issu d’un mémoire de master en sociologie à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Zelda Crottaz étudie l’évolution du traitement médiatique des animaux à la télévision, en s’appuyant sur les documentaires animaliers réalisés, entre le début des années 1960 et la fin des années 1980, par Frédéric Rossif (1922-1990).

Rossif réalise et produit en effet de nombreux documentaires animaliers, en particulier trois séries populaires : La Vie des animaux (204 émissions entre 1959 et 1976), L’Apocalypse des animaux (6 documentaires diffusés en 1973) et Splendeur sauvage (36 documentaires diffusés en 1986 et 1987). Ces séries sont constituées d’images, le plus souvent d’archives, montées et commentées, parfois réutilisées différemment d’une série à l’autre.

Pour expliquer la considération dont font l’objet certains animaux plutôt que d’autres, l’autrice analyse d’abord la manière dont les animaux sauvages sont catégorisés, notamment avec le développement de la protection des animaux, avant de se concentrer sur la figure particulière du primate. Zoé Crottaz s’arrête simultanément sur les choix techniques et esthétiques qui président à la réalisation des films de Rossif : montage thématique, narration fictionnelle… L’ensemble constitue une étude éclairée de la manière dont s’est façonné le regard des spectateur·rices sur les animaux par le biais de la télévision, et dont le statut des animaux s’est trouvé remodelé par cette exposition médiatique.

À la Bpi, niveau 3, 791.24 ROS

Pour compléter la réflexion, on peut consulter avec profit le dossier documentaire « Les animaux dans les collections de l’Ina », rédigé par Lucas Créac’h en 2020.

L'Animal écran

Jean-André Fieschi (dir.)
Bibliothèque publique d'information / Centre Pompidou, 1996

L’Animal écran a été publié à l’occasion de la manifestation « Animalia cinematografica », organisée par la Bpi au Centre Pompidou en 1995 et comporte trois textes et un cahier central d’images en noir et blanc.

Le premier article est un texte littéraire de Jean-André Fieschi. Par association, de film en film, le critique et cinéaste raconte une histoire du cinéma par le prisme des représentations animalières, mais aussi une histoire de notre relation aux bêtes à travers les images. Les dispositifs et l’esthétique cinématographiques sont au cœur de ses considérations, dont le sujet est, in fine, la construction du regard – celui des cinéastes et celui des spectateur·rices.

Dans le deuxième article, le philosophe des sciences Patrick Tort réfléchit sur le sentiment humain du beau, en lien avec la théorie de l’évolution des espèces de Charles Darwin. Si le texte en lui-même paraît peu parler de cinéma, il consiste en fait en un long avertissement (théorique et ardu) à l’encontre des potentielles dérives anthropocentriques, anthropomorphiques et, en regard, « bestialisantes » du cinéma animalier.

À la Bpi, niveau 3, 791.22 ANI

Images documentaires n°84 : Animal

Catherine Blangonnet-Auer (dir.)
Association Images documentaires, décembre 2015

Le numéro 84 de la revue de cinéma Images documentaires explore, dans son dossier, différentes facettes de la représentation animale dans les films documentaires. En s’ouvrant sur une citation de la philosophe Élisabeth de Fontenay, spécialiste de l’éthique des rapports entre humains et animaux, Images documentaires revendique « l’indécidable ambiguïté » de cette relation.

Arnaud Hée analyse d’abord, grâce à de nombreux exemples, les enjeux éthiques, métaphoriques et métaphysiques de ce quasi-poncif documentaire qu’est la mort animale. Charlotte Garson décrit ensuite le tournant que constitue, dans la filmographie d’Alain Cavalier, le fait de filmer en 2015 le quotidien de Caravage, compagnon équin de l’artiste Bartabas, qui donne son nom au film. Puis, Raphaëlle Pireyre évoque deux documentaires qui travaillent la question de la frontière entre l’humain et l’animal : Koko, le gorille qui parle, de Barbet Schroeder (1978), et Grizzly Man, de Werner Herzog (2005). Enfin, Alice Leroy se penche sur Primate (1974), Meat (1974) et Zoo (1993), œuvres dans lesquelles Frederick Wiseman observe l’absurde réification des animaux par les humains.

Tout en s’arrêtant le plus souvent sur des exemples précis, chaque article s’appuie sur un vaste corpus. L’analyse des enjeux liés aux représentations animales dépasse l’étude de cas et permet de circuler avec acuité dans l’histoire du cinéma documentaire.

À la Bpi, niveau 3, 79(0) IMA

« La jungle du cinéma », par Maria Ida Bernabei | 1895 n°95, 2021

Maria Ida Bernabei, autrice d’une thèse sur les expérimentations formelles du cinéma scientifique jusqu’en 1930, analyse dans cet article universitaire comment l’observation scientifique en gros plan de l’animal dans les films d’avant-garde a permis de développer les réflexions sur les spécificités esthétiques du cinéma.

Les films d’observation animalière sont diffusés régulièrement dans les ciné-clubs et les salles d’avant-garde en raison du mouvement, du rythme et du mystère qui en émergent, c’est-à-dire de la photogénie que les spectateur·rices peuvent y apercevoir, comme sur le visage mobile d’acteur·rices de fiction. La tentation anthropocentrique dans l’observation de l’animal, explique la chercheuse, ne fait finalement que renforcer la poésie des images. À l’opposé, l’abstraction parfois provoquée par le gros plan animalier se rapproche d’un cinéma « pur » recherché à l’époque par certain·es cinéastes.

Dans ce dialogue entre figuration anthropomorphique et abstraction en mouvement se situe la puissance photogénique du documentaire animalier, qui révèle le réel aux spectateur·rices en le montrant à une échelle non-humaine.

Accessible à la Bpi, via Cairn.info

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