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Appartient au dossier : 5 déclinaisons du jeu de rôle

Déclinaisons du jeu de rôle #2 : les jeux sur table

Partir à l’aventure tout en restant autour d’une table, c’est possible ! C’est en tout cas l’expérience que vous propose le jeu de rôle qui, depuis son origine dans les années 1970, se développe et se diversifie : les règles ont évolué ainsi que le matériel nécessaire aux joueur·euses. Balises vous présente quelques-unes des formes du jeu de rôle, à l’occasion du cycle organisé à la Bpi en 2023.

Les jeux de rôle « papier »

Sur table…

Deux hommes et deux femmes sur laquelle sont disposées des feuilles et des verres
Groupe de de joueur·ses durant une partie classique de jeu de rôle sur table. Diacritica — CC-BY-SA

Le jeu de rôle, dans sa forme originelle, se joue avec 3 à 10 joueur·ses, réuni·es autour d’un·e maître·sse du jeu. Ce·tte dernier·ère est seul·e à connaître le scénario dans son ensemble et tous les pièges qu’il recèle ; iel est chargé·e de raconter l’histoire et de proposer les différents choix qui s’offrent aux joueur·ses, lancé·es dans une quête dont iels vont découvrir progressivement les méandres… 

Au commencement, les joueur·ses ne disposaient que de peu de matériel : papier, dés et crayons suffisaient. En 1974, la première boîte de Donjons et Dragons était seulement constituée de trois livrets précisant les règles du jeu : « Hommes et Magie », « Monstres et Trésors », « Aventures en milieux souterrains et les terres sauvages ». 

Dans la plupart des jeux de rôle, les règles situent l’histoire dans un univers précis, auquel elles apportent un peu de logique et de crédibilité. Elles limitent le nombre d’objets et d’armes que les personnages peuvent transporter, spécifient les règles de combat, caractérisent les personnages (les magicien·nes maîtrisent des sorts puissants, mais sont peu doué·es pour les combats, les nain·es sont de bon·nes guerrier·ères mais peu habiles, etc.).

Les joueur·ses notent sur des feuilles libres les compétences de leurs personnages. Il faut en outre se munir de dés spéciaux, à 4, 6, 8, ou 20 faces… Les dés servent à calculer les points de vie perdus, à mesurer l’efficacité d’un sort ou à prendre une décision difficile. Les figurines sont facultatives et peuvent être déplacées sur un plan, dont la totalité est connue des seul·es maître·esses de jeu ; pour les joueur·ses, le plan se dessine au fur et à mesure de la partie. Les premiers jeux étaient fondés sur un scénario sommaire : généralement la visite d’un lieu inconnu à explorer, en choisissant d’ouvrir ou non des pièces renfermant une créature à vaincre… ou un tas d’or – suivant un schéma Porte-Monstre-Trésor, devenu classique. 

Rapidement, les boîtes se sont complexifiées : en plus de contenir les dés, elles proposent des « feuilles d’aventure » décorées – sur lesquelles le ou la joueur·se inscrit ses sorts, possessions, points de vie –, des fiches de personnages illustrées, un écran cartonné pour le ou la maître·sse du jeu dissimulant ses notes et certains lancers de dé. Des livrets sont également apparus, proposant des scénarios plus complexes et fournissant les plans des lieux visités. 

Outre les classiques toujours édités, comme Donjons et Dragons – complété de nouvelles règles et d’aventures inédites – , ou L’Appel de Cthulhu, on trouve des boîtes d’initiation comme Chroniques Oubliées Fantasy, et même de nombreux jeux de rôle gratuits.

… ou sur table virtuelle

Si le jeu de rôle « papier » rencontre aujourd’hui un succès moindre que dans les années 1980 et 1990, il perdure et se transforme. Depuis les années 2010 sont apparues des « tables virtuelles » qui permettent aux amateur·ices de se réunir pour jouer en ligne ; les confinements liés à la pandémie de COVID ont renforcé l’intérêt pour ces outils. Sur Roll20 , FoundryVTT ou Fantasy Grounds, les joueur·ses retrouvent toutes les fonctions d’un jeu classique, mais c’est sur un écran que se déroule la partie : lancers de dés, plans et cartes, discussion entre les joueur·ses et animation par le ou la maître·sse du jeu sont virtuels. Il est possible de créer un groupe pour jouer entre ami·es, mais aussi de rejoindre des équipes aux quatre coins du monde pour prendre part à une grande variété de jeux. Cependant, avant de retrouver des sensations proches d’un jeu de rôle traditionnel, il faut prendre en main et paramétrer logiciels et plateformes, ce qui peut dérouter certain·es participant·es.

Les jeux de rôle plateaux

Un plateau de jeu Warhammer représente un paysage sur lequel sont déplacés des figurines
Une partie de Warhammer Age of Sigmar, par Timothy Lind – CC-BY-SA

Après les jeux de rôle papier, les jeux de rôle plateaux ont rapidement fait leur apparition. Cette fois, l’imagination des joueur·ses peut s’appuyer sur tout un ensemble d’éléments visuels qui entrent en jeu dans la partie : figurines, cartes, et plateaux qui figurent l’univers du jeu. En revanche, les maître·sses du jeu disparaissent. 

Les jeux de rôle plateaux s’adressent aussi bien aux joueur·ses débutant·es, qu’aux plus avancé·es. Les plateaux les plus simples reprennent le principe du jeu de l’oie : dans Talisman, à partir de 10 ans, chaque joueur·se avance sur le plateau selon le chiffre indiqué par les dés, et tire une carte représentant, selon les cas, un monstre à combattre ou un trésor à gagner. Autre concept dans Fall Out, où le plateau est constitué de tuiles imbriquées à retourner au fur et à mesure de votre exploration d’un univers post-apocalyptique. 

Les plateaux plus avancés se placent à l’intermédiaire entre jeux de rôle et jeux de stratégie, inspirés des Kriegsspiels. Dans la célèbre série Warhammer Battles, chaque joueur·se doit vaincre le camp adverse sur le plateau figurant un champ de bataille : la partie se déroule selon des règles complexes qui indiquent les conditions d’engagement des armées, les modalités de déplacement, les protocoles de combat, etc. De 1983 à 2015, Warhammer Battles a connu huit éditions successives, chacune se jouant avec des armées différentes et mettant en scène des univers d’heroic fantasy. L’éditeur, Games Workshop, propose également Warhammer 40K, fondé sur des principes similaires, mais dont l’action se situe dans des mondes de science-fiction dystopique ; ce jeu interrompt ses parutions en 2014… mais l’univers Warhammer continue en 2015, avec la série Warhammer Age of Sigmar qui présente des règles plus simples. 

Chaque partie de Warhammer met en scène des armées comptant de 10 à 100 combattant·es… et autant de figurines. Celles-ci et certains éléments du décor s’achètent généralement en plastique ou en résine non peinte : les passionné·es et les artistes peuvent les décorer à leur convenance. La société éditrice, Games Workshop, qui compte 500 magasins dans le monde et réalise un chiffre d’affaires de 302 millions d’euros, doit une partie de sa réussite à la grande variété des figurines… et à leur coût : compter environ 50 euros pour dix figurines, mais certaines créatures, décors, ou machines de guerre valent plus d’une centaine d’euros pièce.

D’autres éditeurs de jeux de rôle se sont emparés du concept, pour proposer des figurines issues de leurs propres univers : entre 2003 et 2011, par exemple, Donjons et Dragons a ainsi mis en vente son propre jeu de figurines à collectionner, alors même qu’elles ne sont pas nécessaires au déroulement d’une partie. Les figurines sont finalement devenues un marché autonome : elles font le régal des collectionneur·euses, qu’iels soient joueur·ses ou non…

Les jeux de cartes

Plusieurs tas de cartes plus ou moins épais sont posés sur une table
A game of Magic the Gathering, par Tourtefouille – CC-BY-SA-2.0

Si certains plateaux s’accompagnent de cartes, figurant des personnages, objets, sorts ou créatures, des jeux où seules les cartes sont nécessaires ont également fait leur apparition. Il s’agit cette fois de disposer d’un ensemble de cartes – associant personnages, actions, armes, etc. – plus fort que celui de ses adversaires.

Magic: The Gathering s’impose comme le jeu le plus célèbre de cette catégorie. Créé en 1993 par Richard Garfield, le jeu compte encore 20 millions d’adeptes dans le monde. Magic peut se jouer entre ami·es mais les joueur·ses les plus avancé·es se professionnalisent et participent à des compétitions. Les règles de base sont relativement simples à appréhender, cependant le jeu se complexifie rapidement puisqu’il compte environ 20 000 cartes de terrains, de créatures, de sorts, d’artefact, ou d’enchantement. L’éditeur Wizards of the Coast met régulièrement en vente de nouvelles cartes, et certaines se revendent entre particuliers, jusqu’à quelques centaines d’euros pour les plus rares. Le jeu se décline également sous forme vidéo : dans Magic Arena, les batailles de cartes se déroulent via un écran et face à un adversaire réel ou virtuel.

Étant donné son succès, Magic a bien évidemment fait des émules. Sous les dénominations de « jeux de cartes à collectionner » ou « jeux de cartes évolutifs », de nouveaux jeux sont apparus qui, pour se démarquer de la complexité grandissante de Magic, proposent des cartes en nombre limité et des règles plus simples. Inspirés de jeux vidéo, jeux de rôle ou manga, on trouve sous forme de cartes World of Warcraft, Pokemon, Horreur à Arkham, Yu-Gi-Oh!, … mais aucun n’a encore rencontré une réussite équivalente à Magic.

Publié le 07/05/2023 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

JDR-Mania

Ce blog consacré au jeu de rôle s’adresse d’abord aux aux non-initié·es ou aux joueur·ses occasionnel·les, dans le but de vulgariser ce type de jeu et de le rendre accessible à tous·tes. Le blog présente des conseils pour se lancer ou se perfectionner et des retours d’expériences sur différents jeux.

 

La Grande Aventure du jeu de rôle : toute l'histoire, des origines à nos jours

Julien Pirou
Ynnis éditions, 2020

De Donjons et Dragons à Tales from the Loop, l’histoire des jeux de rôle est retracée depuis leurs débuts difficiles jusqu’à la consécration à travers des entretiens exclusifs avec des experts (Didier Guiserix, Sandy Petersen, Liz Danforth, etc.) et des dossiers illustrés. ©Electre 2020

À la Bpi, niveau 3, 794.5 PIR

Jeux de rôle : les forges de la fiction

Olivier Caïra
CNRS Editions, 2007

Cet ouvrage de recherche envisage le jeu de rôle comme une experience interactive et immersive. Le jeu est appréhendé de manière vivante sous ses différents aspects : source d’inspiration, création collective, niveaux de communication, logique du récit et de règles. Pour illustrer le propos, le livre fait participer directement à une partie.

À la Bpi, niveau 3, 794.5 CAI

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