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Appartient au dossier : Les (biens) Communs

A l’origine des (biens) communs

Historiquement, les biens communs ne se sont pas développés contre le monde marchand, mais contre la puissance publique incarnée par le Roi.

Forest on San Juan Island
Forest on San Juan Island, Photographed by Tom Harpel, Wikimedia Commons

Le chercheur en sciences de l’information Hervé Le Crosnier rappelle l’origine des commons : au XIIe siècle, un droit d’usage voulait que dans les forêts et sur les terres communales, les villageois soient autorisés à laisser paître leurs bêtes, ramasser du bois mort, récolter du miel ou des champignons. Ces droits n’avaient nul besoin d’être inscrits dans des lois puisqu’il s’agissait de biens communs (en anglais, commons). Mais au XIIIe siècle, en Angleterre, le roi Jean et les Barons lancent un mouvement d’enclosure des Communs et provoquent une révolte populaire. (30 septembre 2010, Investig’Action).

Cet épisode historique illustre ce que le biologiste Garrett Hardin décrira comme « La tragédie des communs » dans un article daté de 1968 et resté célèbre. Il y explique que les communs ne sont pas un mode de gestion efficace parce que les collectifs ne peuvent assurer une renouvellement et un entretien des ressources. L’égoïsme naturel des hommes suppose selon lui une gestion soit publique, soit privée. Cette conception domine jusqu’à aujourd’hui  et alimente largement la vision d’un Homo oeconomicus faisant des choix rationnels et supposé n’avoir aucun intérêt à coopérer avec ses semblables.

Pourtant, en 2009, la politologue américaine Elinor Ostrom obtient le prix Nobel d’économie avec Oliver Williamson, « pour son analyse de la gouvernance économique, et en particulier, des biens communs ». Par ses travaux sur la gestion directe des réseaux d’irrigation en Californie du Sud ou les façons dont des copropriétaires peuvent gérer correctement et collectivement les immeubles, elle contribue à renouveler la manière dont on pense les rapports de l’individu au collectif.

En quoi cela peut-il résonner avec le monde actuel ? A l’heure des réactions catastrophistes à la crise écologiste et de la recherche d’accords mondiaux, les travaux d’Elinor Ostrom nous invitent à des utopies pragmatiques…  Dans son ultime article à propos des négociations de Rio en 2012, elle indique : « Des dizaines d’années de recherche montrent qu’un éventail de mesures évolutives, complémentaires au niveau urbain, régional, national et international a plus de chance de réussir qu’un accord universel et contraignant, car il permettrait de disposer d’un recours en cas d’échec de certaines de ces mesures. »

Publié le 28/10/2014 - CC BY-SA 4.0

Sélection de références

Gouvernance des biens communs : pour une nouvelle approche des ressources naturelles

Ostrom, Elinor (1933-2012)
De Boeck, 2010

Remettant en question les fondements de l’analyse politique telle qu’appliquée aux ressources naturelles, Elinor Ostrom fournit dans cet ouvrage un ensemble unique de données empiriques afin d’étudier les conditions dans lesquelles des problèmes de ressources communes ont été résolus, de manière satisfaisante ou non.

Un ouvrage essentiel de celle qui en octobre 2009, elle est la première femme à recevoir le « prix Nobel » d’économie, avec Oliver Williamson, « pour son analyse de la gouvernance économique, et en particulier, des biens communs ».  Concerne les Communs naturels et pas du tout les communs de la connaissance.

La guerre des forêts : luttes sociales dans l'Angleterre du XVIIIe siècle

Thompson, Edward Palmer (1924-1993)
La Découverte, 2014

Présentation sur le site de l’éditeur : « En 1723, le Parlement anglais adopte une loi terrible, le Black Act, qui punit de pendaison le braconnage des cerfs dans les forêts royales et les parcs seigneuriaux. La peine de mort est bientôt étendue au simple fait de venir y ramasser du bois ou de la tourbe. L’atteinte à la propriété est ainsi criminalisée à l’extrême, et la loi ne sera abrogée qu’un siècle plus tard, en 1827. »

Passionnante enquête historique sur la naissance des enclosures, épisode fondateur des Communs.

lien externe

La tragédie des biens communs - Garret Hardin, 1968 (en anglais)

Dans cet article célèbre de 1968, Garrett Hardin, professeur de Biologie à l’Université de Californie, Santa Barbara critique l’approche par les Biens communs en lui préférant la gestion publique ou privée jugée plus efficace. (en anglais)

A lire pour comprendre l’acte fondateur du second « mouvement des Enclosures » contemporain.

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