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Appartient au dossier : Les jeux vidéo font leur cinéma

Grim Fandango, polar mafieux au pays des morts
Les jeux vidéo font leur cinéma 2/4

En 1998, Tim Schafer créé Grim Fandango, un jeu pour ordinateur développé et édité par LucasArts. Les films noirs des années quarante comme Casablanca inspirent ouvertement l’ambiance, les personnages et la musique de cette enquête sur un détournement de fonds au royaume des morts.
En écho au festival Press Start 2019 organisé par la Bpi, Balises vous propose chaque semaine de septembre de découvrir un jeu vidéo qui joue avec les codes et les univers cinématographiques.

Manny Calavera dans le bureau de son concurrent
Grim Fandango remastered, © Tim Schafer, Double Fine Productions, 2015

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Non seulement Manuel Calavera est mort, mais il est bloqué dans les limbes à cause de ses mauvaises actions de vivant. Pour rejoindre le Neuvième Monde, royaume de l’éternité, il doit vendre aux autres morts des voyages vers le repos éternel. Mais au début du jeu, Manny Calavera découvre qu’il existe un trafic de billets pour le Neuvième Monde…

De Mexico à Chicago…

La première inspiration manifeste de Grim Fandango est la fête des morts mexicaine et les croyances aztèques sur la vie après la mort : les personnages sont des squelettes au crâne parfois peint, le jeu se déroule le 2 novembre, veille de la fête des morts, le nom du héros, « Calavera », signifie « crâne » en espagnol…

Néanmoins, l’univers qui construit l’intrigue rappelle les films noirs hollywoodiens des années quarante. Le premier décor est celui d’un immeuble Art Déco qui évoque le Chicago de la Prohibition.
Plus tard dans le jeu, Manny Calavera dirige un casino qui s’inspire à la fois de celui de Gilda et du night-club tenu par Rick Blaine (Humphrey Bogart) dans Casablanca. L’immeuble est situé sur un port qui ressemble à celui de Key Largo ou du Port de l’angoisse – Manny devient d’ailleurs pour un temps capitaine de navire.

…en passant par Casablanca 

Les personnages qui défilent dans ces lieux interlopes ont tout de la pègre qui prolifère dans les films criminels. Manny rappelle à la fois l’innocent Walter Neff d’Assurance sur la mort et le détective désabusé interprété par Humphrey Bogart dans Le Faucon maltais ou Le Grand Sommeil.
Mercedes Colomar, la femme recherchée par Manny, est un archétype de femme fatale comparable aux personnages joués par Lauren Bacall.

D’autres personnages sont directement inspirés de Casablanca. Le grand méchant Hector LeMans est conçu pour ressembler au rival de Rick, le Signor Ferrari ; Bogen, le chef corrompu de la police, se réfère au capitaine Louis Renault qui finira par aider Rick et la Résistance ; l’arnaqueur Chinchilla Charlie rappelle le trouble Ugarte, joué dans Casablanca par Peter Lorre ; sans parler de Glottis, le démon mécanicien qui devient momentanément pianiste comme Sam, l’inoubliable interprète d’As Time Goes by dans le film réalisé par Mihael Curtiz en 1942.

Les standards du polar

La musique a elle aussi une fonction déterminante dans l’ambiance poisseuse du jeu, avec ses rythmiques à la contrebasse et ses solos jazz de saxophone et de piano. Le compositeur Peter McConnell dit d’ailleurs s’être inspiré du compositeur de musique de films noirs Max Steiner et du jazzman star des années trente Benny Goodman.
La musique s’associe parfaitement au découpage classique des films noirs : amorces de personnages avec une cigarette fumante, plongées sur des complots en clair-obscur, grands angles déformants l’espace ou encore phares d’une voiture déchirant la nuit.

Succès critique à sa sortie et novateur notamment dans l’affichage en 3D des objets, Grim Fandango signe pourtant, à cette époque, le déclin du jeu d’aventure. Le jeu devient cependant culte, si bien qu’une version remasterisée est commercialisée en 2015 sur Playstation, ordinateur et smartphone, et en 2018 sur Nintendo Switch.

Publié le 10/09/2019 - CC BY-NC-SA 4.0

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